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Les PME françaises font le pari de l'informatisation des usines

Les échos, Matthieu Quiret, Le 12/10 à 13:00

« La situation de l'industrie est celle de l'informatique dans les années 1990 quand il fallait installer un pilote dans un ordinateur pour qu'il reconnaisse une souris », pose Marc Damien. Ce jeune dirigeant d'une PME francilienne fournisseur de l'aéronautique, JPB, fait partie des quelques patrons français militants de la numérisation des usines.

Ce mouvement de l'usine 4.0 dans l'Hexagone tressaillit enfin, notamment dans l'élan du plan de relance. Ce mardi 12 octobre, Emmanuel Macron doit même amplifier l'effort avec de nouveaux financements en faveur de la modernisation de l'industrie du pays. Mais les entrepreneurs en pointe n'ont pas attendu pour tester déjà leurs propres solutions. Avec un mantra commun : parvenir à faire communiquer entre elles les machines de production.

JPB (22 millions d'euros de chiffre d'affaires en 2019) et son patron ingénieur électronique Marc Damien se sont lancés dans l'aventure en 2016. « Pour automatiser mon usine, j'avais acheté deux machines neuves à un demi-million d'euros pièce et je suis tombé des nues en découvrant qu'elles étaient incapables de dialoguer », raconte-t-il.

Constatant qu'aucune solution n'existait sur le marché, il a développé des capteurs fixés sur ces équipements qui « écoutent » leurs vibrations et en déduisent l'état de fonctionnement de la machine, un foret qui s'use, un nombre de pièces produites en baisse, etc. L'information est transmise sur une appli du téléphone du dirigeant ou du chef d'atelier qui peut immédiatement détecter des améliorations sur la ligne de production. « J'ai obtenu 10 à 15 % de gain de productivité avec seulement 10 machines dans mon atelier », promet-il.


La crise de l'aéronautique qui a amputé l'activité de JPB pendant la pandémie a convaincu Marc Damien de commercialiser cette solution maison. Une cinquantaine de clients « bêta » vont tester ses capteurs en fin d'année, qui seront ensuite proposés sous forme d'abonnement.


D'autres entrepreneurs français se sont lancés dans un défi plus ambitieux encore : créer le Microsoft de l'industrie avec l'équivalent d'un Windows capable de rendre les usines aussi simples à utiliser et mettre à jour qu'un ordinateur. L'idée est partie d'un ingénieur français de la Silicon Valley, Luc Leroy, qui s'est fait remarquer dans les usines Tesla, parmi les plus informatisée du monde. Mais c'est un industriel de la Mayenne, Gys, qui est en train de la tester dans la vraie vie de son usine de Laval. Son dirigeant Bruno Bouygues se passionne pour l'industrie 4.0 - plutôt que pour le BTP et les télécoms familiaux -, transformant le fabricant de machine à souder Gys moribond en une ETI en pleine forme (100 millions d'euros de chiffre d'affaires en 2020).


Luc Leroy, lui, est un spécialiste de l'automatisation industrielle qui habite depuis plus de quinze ans en Californie. Début 2018, employé chez Tesla, il s'est retrouvé du jour au lendemain propulsé à la tête d'une opération de sauvetage des lignes de production du constructeur grippées par un effondrement des cadences. Elon Musk avait déjà eu l'intuition d'appliquer le principe de la standardisation de l'informatique et des télécoms aux machines de production. Mais la couche logicielle censée faire dialoguer ces équipements entre eux s'est avérée un cauchemar. « J'ai dû embaucher à prix d'or 300 diplômés de niveau MIT pour réécrire les codes », rembobine Luc Leroy.


C'est de cette expérience intense qu'il a tiré le projet de la jeune pousse Full Speed Automation, cofondée avec un autre expatrié en ​Californie, Hugues Gontier. Leur logiciel Vitesse veut offrir ​un standard universel de communication entre les machines ou les robots d'une usine. Il centralise les nombreuses données provenant de chaque machine mais pilote également d'une seule interface tous ces équipements pour modifier un processus de fabrication par exemple. ​

​« Le nerf de la guerre, c'est l'itération rapide, pouvoir régler, améliorer rapidement plusieurs fois par jour une usine », insiste Luc Leroy. D'autant que le logiciel conçu selon la philosophie « no code » permet une reprogrammation très facile en quelques clics de souris sur des pavés graphiques sans l'aide de codeurs spécialisés hors de prix.


Le problème, Bruno Bouygues le connaît à double titre. En tant qu'exploitant d'une usine d'abord mais également comme fabricant de machines de production. « Il existe 20.000 constructeurs dans le monde, des machines qui fraisent, qui emboutissent, qui peignent, des robots aussi. Et chaque usine qui veut les connecter doit faire appel à un prestataire coûteux qui va leur donner un langage commun et désactiver les capteurs et les contrôleurs de chaque équipement pour éviter les interférences. » ​

Un atout pour Bruno Bouygues qui peste contre la nécessité d'arrêter 2-3 jours ses îlots à chaque modification. L'industriel qui exploite 182 appareils éprouve actuellement le produit sur quelques-uns d'entre eux. D'ici à quelques mois, d'autres entreprises vont le tester. La jeune pousse qui a levé 3,2 millions de dollars en mars prévoit un second tour de table bien plus gros prochainement.


Le marché global de l'automatisation industrielle est cette année d'environ 150 milliards d'euros et 8 % concernent le segment de marché de l'interface homme-machine que visent ces entrepreneurs. « La petite taille de Full Speed Automation est un énorme atout, ce ne sont pas les géants du secteur comme Siemens qui peuvent mettre tout le monde d'accord. On n'imagine pas Apple et IBM s'être entendus sur un système d'exploitation », file la métaphore Bruno Bouygues.


En parallèle, la jeune pousse californienne va poser ses bagages à Angers où elle crée un laboratoire de R & D et une antenne européenne avec une dizaine de personnes en vue. Ces effectifs renforceront les 14 employés actuels en Californie. « On a choisi Angers car tous les classements la situent en tête de la qualité de vie, un argument pour recruter les meilleurs. Le coût d'un ingénieur y est aussi bien inférieur à la Californie », explique Hugues Gontier.

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